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1 juillet 2008 2 01 /07 /juillet /2008 22:28
Bonjour, Nous vous rappelons le prochain rassemblement contre l'extradition de Marina Petrella et des autres réfugiés italiens : jeudi 3 Juillet à 18h30, place du Palais Royal (métro Palais Royal - Musée du Louvre) Ceux qui n'ont pas visité la page http://www.paroledonnee.info dernièrement, pourront trouver en pièce jointe les articles parus hier dans Libé et Le Monde. Vous rappelant que Marina a été placée au Service Médical Psychiatrique Régional de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, et que son état ne fait qu'empirer, nous vous invitons à continuer de faire entendre votre voix en sa faveur.
Amitiés paroledonnee

Grand Angle
Rèfugièe en France sous l'ère Mitterrand, cette ancienne des Brigades rouges est menacèe d'extradition. Trente ans après les annèes de plomb, l'Italie ne parvient pas tourner la page.

NATHALIE DUBOIS et …RIC JOZSEF (Rome)
QUOTIDIEN : lundi 30 juin 2008


Cela fait deux mois que Marina Petrella se laisse sombrer dans ce qu'ell appelle sa chambre mortuaireª : une minuscule piËce d'isolement ‡ l'hÙpital psychiatrique de Villejuif, seulement ´meublÈeª d'un lit scellÈ au sol et d'un seau hygiÈnique. Face ‡ des murs blancs et nus, elle n'a ni radio ni tÈlÈvision, ni lecture d'aucune sorte. De toute faÁon, ses lunettes lui ont ÈtÈ confisquÈes. Depuis la visite de deux parlementaires, le communiste Patrick Braouezec et la verte Dominique Voynet, on lui a juste concÈdÈ l'accËs ‡ un cabinet de toilette. ´Le deuil sera le dernier cadeau d'amour que je pourrai faire ‡ mes deux fillesª, dit cette Italienne de 54 ans, qui refuse que ses enfants la voient mourir ‡ petit feu. ´VidÈeª par dix mois de prison, Marina Petrella n'arrive plus ‡ boire, ni ‡ manger. Elle est dans ´un Ètat dÈpressif gravissimeª, traverse ´une crise suicidaire franche et trËs inquiÈtanteª, ont diagnostiquÈ les mÈdecins de la maison d'arrÍt de Fresnes. Ce sont eux qui l'ont fait hospitaliser, jugeant son ´Ètat totalement incompatible avec le maintien en dÈtentionª. La vie de cette ancienne membre des Brigades rouges (BR) a basculÈ le 21 ao˚t 2007, lorsque son passÈ l'a rattrapÈe, trente ans aprËs son enrÙlement dans le terrorisme d'extrÍme gauche.

´J'ai pris un TGV dans la tÍteª, nous a-t-elle confiÈ par l'intermÈdiaire de son avocate, quelques jours aprËs la signature, par le Premier ministre FranÁois Fillon, du dÈcret l'extradant vers l'Italie pour y purger une peine de prison ‡ perpÈtuitÈ. A l'heure o˘ la France prend la prÈsidence de l'Union europÈenne, voil‡ que les annÈes de plomb refont surface entre Rome et Paris, preuve que le dossier des exilÈs italiens n'est pas un dossier judiciaire comme les autres.

´Le droit d'asile doit Ítre respectÈ pour les rÈfugiÈs. Mais les terroristes sont-ils des rÈfugiÈs?ª se demandait ainsi Carla Bruni-Sarkozy (LibÈration du 20 juin), en rÈponse ‡ une question sur le sort ‡ rÈserver aux anciens des Brigades rouges. A dire vrai, l'arrivÈe ‡ l'ElysÈe d'une Bruni-Tedeschi n'avait pas rassurÈ le comitÈ de soutien ‡ Marina Petrella : chacun sait que la famille du riche industriel turinois s'Ètait repliÈe en France en 1973 pour fuir les rapts mafieux et la guÈrilla urbaine dÈchaÓnÈe contre les symboles du grand capital et de ´l'Etat impÈrialisteª. Un peu plus tard, dÈbute un autre mouvement migratoire : la rÈpression s'intensifiant ‡ Rome, 150 ‡ 200 activistes italiens de tout poil viennent se mettre ‡ l'abri de l'autre cÙtÈ des Alpes.

Grand virage

Membres de partis armÈs comme les BR et Prima Linea, ou de la myriade de groupuscules issus de la mouvance autonome, tous viennent profiter de l'asile de fait que leur octroie la France, aprËs l'Èlection en 1981 du premier prÈsident de la RÈpublique socialiste. Un statut que la presse rÈsume sous le nom de ´doctrine Mitterrandª. Son principe : les exilÈs politiques qui renoncent au terrorisme auront droit ‡ une nouvelle chance. Comme l'explique le chef de l'Etat, en 1985, au congrËs de la Ligue des droits de l'homme, il s'agit d'hÈberger ceux qui ´ont rompu avec la machine infernale, le proclament et ont abordÈ une deuxiËme phase de leur vieª. Le gouvernement italien en est informÈ. ´Bien entendu,poursuit Mitterrand, si tel ou tel manquait ‡ ses engagements, nous trompait, nous frapperions. [.] Et nous l'extraderions !ª

C'est la ligne que suivra durant prËs de vingt ans l'Etat, sous trois septennats et neuf Premiers ministres, de gauche comme de droite. Jusqu'au grand virage de 2002. AprËs les attentats du 11 septembre 2001 et l'apparition d'une nouvelle gÈnÈration de Brigades rouges en Italie, Jean-Pierre Raffarin et son garde des Sceaux Dominique Perben ne veulent pas donner l'impression de badiner avec le terrorisme : deux rÈfugiÈs en font les frais, l'universitaire Paolo Persichetti, livrÈ en 2002, puis le romancier Cesare Battisti, qui s'enfuit au BrÈsil en 2004.

´Paolo, Cesare, Marina, et aprËs ?ª La question est sur l'une des pancartes brandies dans la petite foule des amis de l'ex-brigadiste. Parmi ces soutiens qui manifestent chaque semaine depuis que FranÁois Fillon a signÈ, le 9 juin, le dÈcret d'extradition Marina Petrella, il y a Elisa, sa fille aÓnÈe. Cette jeune fille blonde est nÈe il y a 24 ans dans une prison romaine, o˘ son pËre et sa mËre Ètaient dÈtenus en attente de leur procËs. Tous deux membres de la ´colonne romaineª des Brigades rouges. Sa naissance derriËre les barreaux, dit l'Ètudiante en linguistique, ´n'Ètait pas le fruit d'un choix ÈgoÔste mais bien le signe qu'une page s'Ètait dÈj‡ tournÈe pour ma mËre. C'Ètait sa faÁon d'entamer un nouveau chemin de vieª.

CondamnÈe ‡ perpÈtuitÈ

Marina Petrella n'a pas 15 ans quand s'amorce le Mai 68 italien, qui va agiter la pÈninsule durant plus d'une dÈcennie. DËs le lycÈe, elle milite. Elle et son frËre cadet Stefano appartiennent au collectif Viva Il Comunismo. Trois ans aprËs le bac, Marina saute le pas de la lutte armÈe et s'engage dans les BR, avec son frËre et son amant, Luigi Novelli. Ils font partie de la colonne romaine, dont l'action la plus spectaculaire est l'enlËvement d'Aldo Moro, le leader de la DÈmocratie chrÈtienne, exÈcutÈ le 9 mai 1978 aprËs cinquante-cinq jours de captivitÈ. Fin 1982, alors que le mouvement vit ses derniËres heures, Marina et son compagnon sont arrÍtÈs et rejoignent les quelque 1 500 brigadistes dÈj‡ derriËre les barreaux. Ils attendront 1988 pour connaÓtre leur sort, le temps que les magistrats noircissent des milliers de pages d'instruction contre tous ces militants armÈs qui ont cru ‡ la rÈvolution prolÈtarienne.

Avec 170 co-inculpÈs, c'est un maxiprocËs. Marina, son frËre et son mari sont condamnÈs ‡ la perpÈtuitÈ, pour l'ensemble des crimes et meurtres commis par les BR de Rome entre 1976 et 1982. Aucun des trois n'a ouvert la bouche, sinon pour reconnaÓtre son appartenance au mouvement. A la diffÈrence des ´repentisª auxquels la justice offre de grosses remises de peines, Marina ne renie pas la cause. Elle prend le maximum, d'autant que l'arsenal des lois antiterroristes sanctionne jusqu'au ´concours moralª ‡ la lutte armÈe. ´C'est le cas de Marina, plaide son ancien avocat Giuseppe Mattina. Elle n'a pas ÈtÈ condamnÈe en tant qu'exÈcutante matÈrielle, mais en tant que dirigeante des BR du quartier de Primavalle. Les juges l'ont dÈclarÈe coupable sur une base purement spatio-temporelle.ª Pourtant, dËs 1988, les magistrats ne semblent dÈj‡ plus voir en elle une dangereuse terroriste : ils laissent cette jeune mËre en libertÈ, sous contrÙle judiciaire. Tant que sa peine n'est pas confirmÈe en cassation, Marina qui a dÈj‡ purgÈ huit ans de dÈtention prÈventive travaille dans une coopÈrative agricole. Jusqu'en avril 1993 o˘, sa condamnation menaÁant de devenir dÈfinitive, elle prend un train avec la petite Elisa. Direction l'exil.

Une fois en France, tous ces Italiens acceptent de se signaler et d'Ítre joignables ‡ tout moment par l'intermÈdiaire de leurs avocats. ´Notre souci Ètait d'Èviter les effets pervers de la clandestinitÈ, qui gÈnËre des petits chefs et des dÈrives vers la dÈlinquance de droit communª, explique aujourd'hui le magistrat Louis Joinet, en charge du dossier ‡ Matignon pendant toute cette Èpoque. Selon lui, une rÈflexion de Mitterrand rÈsume l'esprit de la position franÁaise : ´La vraie question politique que pose le terrorisme est, certes, de savoir comment on y entre, mais surtout comment on en sort.ª Fondateur du Syndicat de la magistrature, puis inlassable dÈfenseur des droits de l'homme pendant un quart de siËcle ‡ l'ONU, Louis Joinet comprend que ce n'est soit ´pas facile pour les familles des victimesª, mais constate que, partout dans le monde, ´la plupart des processus de retour ‡ la paix ou ‡ la dÈmocratie comportent une marge d'impunitÈ et passent par une amnistie. Mais cela suppose qu'un dialogue puisse s'instaurerª.

A Rome, la volontÈ de tourner durablement cette page n'est toujours pas l‡. ´Une issue politique aurait ÈtÈ la meilleure solution mais pour une sÈrie de raisons cela n'a pas ÈtÈ possibleª, regrette l'universitaire et ancien parlementaire Stefano Rodot‡, qui Èvoque pÍle-mÍle le choc laissÈ dans l'opinion publique par l'affaire Moro, des Èpisodes terroristes ponctuels ´laissant craindre que cette Èpoque n'Ètait pas totalement terminÈeª ou encore ´certains aspects des annÈes de plomb qui n'ont jamais ÈtÈ ÈlucidÈs et que l'on continue de dÈcouvrir peu ‡ peuª.

Le gros de l'orage terroriste passÈ, l'Italie a toutefois vite ouvrÈ ‡ vider ses geÙles de ces milliers de dÈtenus se clamant ´prisonniers politiquesª. ´A un moment, on a pensÈ que le meilleur moyen pour vaincre le terrorisme, c'Ètait d'utiliser le systËme des remises de peine ‡ travers les repentis notammentª, analyse Stefano Rodot‡ qui s'est battu contre les excËs de la lÈgislation antiterroriste. Environ dix ans aprËs les faits, les premiers activistes commencent ‡ sortir de prison. ´Si Petrella Ètait restÈe en Italie, elle serait depuis longtemps en libertÈ ou en semi-libertȪ, va mÍme jusqu'‡ remarquer le journaliste Giovanni Fasanella, auteur d'un livre d'entretien avec le cofondateur des BR, Alberto Franceschini.

RÈinsertion exemplaire

DerriËre les barreaux, ne restent que quelques irrÈductibles. La plupart des activistes d'extrÍme gauche ont recouvrÈ une libertÈ totale ou partielle : tous les protagonistes du rapt de Moro sont sortis de prison ou n'y rentrent que le soir pour y dormir ! Cerveau et bras armÈ de cette exÈcution, condamnÈ six fois ‡ la perpÈtuitÈ, Mario Moretti a bÈnÈficiÈ de la libertÈ conditionnelle au bout de douze ans. L'ex-mari de Marina et son frËre Stefano sont libres. Quant ‡ Paolo Persichetti, il quitte depuis peu la prison de Rome pour aller travailler chaque matin dans un journal.

Cela n'empÍche pas Rome de prÈsenter rÈguliËrement ‡ Paris la liste d'une douzaine d'extrÈmistes de gauche ‡ lui livrer en prioritÈ. Pour l'avocate IrËne Terrel, qui dÈfend la plupart de ces Italiens, ´la France se dÈshonore en reniant l'asile de fait qu'elle a concÈdÈ en toute connaissance de causeª. Marina Petrella, qui a eu une seconde fille, nÈe sur le sol franÁais en 1997, bÈnÈficiait d'un titre de sÈjour. Durant ses sept premiËres annÈes en banlieue parisienne, elle a travaillÈ ‡ l'entretien d'espaces verts. Puis s'est investie dans le social, s'occupant des dÈfavorisÈs. C'est donc en toute confiance qu'elle se rendait au commissariat d'Argenteuil (Val-d'Oise), le 21 ao˚t 2007, pour une banale histoire de carte grise. On la jette en prison. En Italie, l'affaire n'Èmeut pratiquement personne. ´Cela n'a pas de sens d'extrader Marina Petrella ou de mettre aujourd'hui les brigadistes en prison, considËre Giovanni Fasanella qui ajoute, mais il est temps qu'ils parlent et aident ‡ Ètablir la vÈritÈ de ces annÈes-l‡ d'un point de vue historiqueª.En France, des personnalitÈs comme le scientifique Albert Jacquard, l'historien Jean Lacouture ou le philosophe Edgar Morin, et des hommes d'Eglise ont Ècrit une lettre ‡ Sarkozy pour souligner la rÈinsertion ´exemplaireª de Marina Petrella et lui rappeler la valeur de la parole donnÈe par la RÈpublique. En face, le silence reste total. En dernier recours, ses dÈfenseurs ont saisi le Conseil d'Etat. Avec l'espoir que le gouvernement, au nom de la gravitÈ de son Ètat de santÈ, refusera finalement de la renvoyer vers les prisons italiennes.

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commentaires

N
Oreste Scalzone avait dit dans un entretien radiophonique que le mariage de Sarkozy avec une Bruni-Tedesci ne risquait d'améliorer le sort de Marina Petrella. Or, c'est par l'intervention des soeurs Bruni-Tedesci que la libération de MArina aura finalement lieu. Comment interpréter ces manigances ? est-ce uniquement se servir de la vulnérabilité extrême d'une ancienne brigadiste pour se tailler une image humaniste sur le "cadavre" des gens ? c'est pour Sarkoezy sortir d'une situation embarreassante qui lui permet de ne pas laisser mourrir Marina tout en légitimant la chasse aux autres réfugiés ? un moyen de ne pas désavouer l'amnésie fasciste de l'autre côté des alpes ?<br /> merci de m'aider à comprendre.<br />  <br /> Stéphane nallis
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